B1 Le Bon Marché : temple du bon goût parisien
Claire Doutriau nous raconte l'histoire d'un grand magasin parisien, qui fut révolutionnaire en son temps. Vous allez voir.
Voici le Bon Marché. Il se situe à Paris, sur la rive gauche de la Seine. Ce n'est pas le plus connu des grands magasins parisiens. Pourtant, c'est ce magasin qui a révolutionné le commerce de détail et l'a fait entrer dans l'ère de la consommation.
L'histoire du Bon Marché, c'est celle d'un homme, Aristide Boussicaud, un jeune normand, qui monte à la capitale à l'âge de 19 ans, en 1829. À l'époque, le petit commerce était basé sur des principes traditionnels. Les magasins sont spécialisés et proposent un choix restreint. Il faut s'adresser à un vendeur, les prix ne sont pas affichés, ce qui génère d'interminables marchandages, les prix étant souvent fixés à la tête du client.
Mais les magasins de nouveauté commencent à faire une timide apparition. Vitrines attrayantes, entrées libres, affichage des prix. C'est dans un de ces magasins modernes, au Petit Saint-Thomas, qu'Aristide Boussicaud se fait engager comme vendeur. L'homme, ambitieux, s'associe quelques années plus tard avec un certain Paul Vido, qui a créé, peu de temps auparavant, situé à l'angle de la rue de Sèvres et de la rue du Bac, le Bon Marché.
Boussicaud fourmille d'idées. Tout d'abord, il instaure la vente à petits bénéfices, fondée sur une rapide rotation des stocks. Le succès est tel, le chiffre d'affaires du Bon Marché bondissant de 450 000 à 7 millions de francs en quelques années, que Paul Vido prend peur et cède toutes ses parts à cet associé trop ambitieux pour lui. Voici donc Boussicaud, seul maître à bord. Il va créer le concept du Grand Magasin, un magasin dans lequel on trouvera tout, et non plus seulement des articles de textile.
Pour cela, il faut une architecture révolutionnaire. Ne vous fiez pas à l'apparent classicisme de la façade. Derrière les pierres se cache une structure de fer qui permet l'installation de larges baies vitrées et l'aménagement d'immenses espaces bien dégagés à l'intérieur. Le succès est fulgurant. De la lingerie à l'ameublement, en passant par la papeterie, les jouets, la vaisselle, etc., on trouve tout au Bon Marché.
Boussicaud innove à tout va. Création des saisons, comme le mois du Blanc, recours à de nouvelles formes de publicité, expédition gratuite des articles chez les clients, et surtout ce fameux principe dont le slogan fait toujours mouche, "satisfait ou remboursé". Quant aux clients qui arrivent de loin, ils n'ont qu'à traverser le square Boussicaud pour se rendre dans le palace art déco, le Lutetia, que Mme Boussicaud a fait construire pour eux. Pour faire tourner cet énorme magasin, elle a besoin d'un personnel conséquent, chef de rayon, second, et une quirielle de vendeuses, souvent des jeunes filles, qui sont logées dans des chambrettes sous les toits du Bon Marché.
Le travail est harassant, même si Boussicaud, sous l'influence de sa femme, a développé un système paternaliste très avancé pour l'époque. Journées de travail réduites à 12h au lieu de 16h, caisse de retraite. La vie de ses employés est formidablement décrite par Émile Zola, qui, voulant consacrer un grand roman au phénomène de société que représente le Bon Marché, "Ce sera au bonheur des dames", commence par effectuer une enquête de plusieurs mois sur la vie des employés du magasin. Une enquête passionnante, dans laquelle Zola se révèle être un grand documentariste avant l'heure.
Il a été copié au long du 19e siècle, parfois par des anciens du Bon Marché eux-mêmes, comme pour le Printemps. L'équivalent berlinois, le Kaufhaus des Westens, le grand magasin de l'Ouest, ne sera créé qu'au début du 20e siècle. Et le Bon Marché aujourd'hui ? Racheté par le groupe LVMH de Bernard Arnault en 1984, le Bon Marché, démentant sans scrupule son propre nom, puisque, rappelons-le à nos amis allemands, "Bon Marché" signifie "peu onéreux", est devenu le grand magasin du luxe de la Rive-Gauche, celui dans lequel la bourgeoisie parisienne est assurée de trouver le fameux bon goût à la française. [musique]
Voici le Bon Marché. Il se situe à Paris, sur la rive gauche de la Seine. Ce n'est pas le plus connu des grands magasins parisiens. Pourtant, c'est ce magasin qui a révolutionné le commerce de détail et l'a fait entrer dans l'ère de la consommation.
L'histoire du Bon Marché, c'est celle d'un homme, Aristide Boussicaud, un jeune normand, qui monte à la capitale à l'âge de 19 ans, en 1829. À l'époque, le petit commerce était basé sur des principes traditionnels. Les magasins sont spécialisés et proposent un choix restreint. Il faut s'adresser à un vendeur, les prix ne sont pas affichés, ce qui génère d'interminables marchandages, les prix étant souvent fixés à la tête du client.
Mais les magasins de nouveauté commencent à faire une timide apparition. Vitrines attrayantes, entrées libres, affichage des prix. C'est dans un de ces magasins modernes, au Petit Saint-Thomas, qu'Aristide Boussicaud se fait engager comme vendeur. L'homme, ambitieux, s'associe quelques années plus tard avec un certain Paul Vido, qui a créé, peu de temps auparavant, situé à l'angle de la rue de Sèvres et de la rue du Bac, le Bon Marché.
Boussicaud fourmille d'idées. Tout d'abord, il instaure la vente à petits bénéfices, fondée sur une rapide rotation des stocks. Le succès est tel, le chiffre d'affaires du Bon Marché bondissant de 450 000 à 7 millions de francs en quelques années, que Paul Vido prend peur et cède toutes ses parts à cet associé trop ambitieux pour lui. Voici donc Boussicaud, seul maître à bord. Il va créer le concept du Grand Magasin, un magasin dans lequel on trouvera tout, et non plus seulement des articles de textile.
Pour cela, il faut une architecture révolutionnaire. Ne vous fiez pas à l'apparent classicisme de la façade. Derrière les pierres se cache une structure de fer qui permet l'installation de larges baies vitrées et l'aménagement d'immenses espaces bien dégagés à l'intérieur. Le succès est fulgurant. De la lingerie à l'ameublement, en passant par la papeterie, les jouets, la vaisselle, etc., on trouve tout au Bon Marché.
Boussicaud innove à tout va. Création des saisons, comme le mois du Blanc, recours à de nouvelles formes de publicité, expédition gratuite des articles chez les clients, et surtout ce fameux principe dont le slogan fait toujours mouche, "satisfait ou remboursé". Quant aux clients qui arrivent de loin, ils n'ont qu'à traverser le square Boussicaud pour se rendre dans le palace art déco, le Lutetia, que Mme Boussicaud a fait construire pour eux. Pour faire tourner cet énorme magasin, elle a besoin d'un personnel conséquent, chef de rayon, second, et une quirielle de vendeuses, souvent des jeunes filles, qui sont logées dans des chambrettes sous les toits du Bon Marché.
Le travail est harassant, même si Boussicaud, sous l'influence de sa femme, a développé un système paternaliste très avancé pour l'époque. Journées de travail réduites à 12h au lieu de 16h, caisse de retraite. La vie de ses employés est formidablement décrite par Émile Zola, qui, voulant consacrer un grand roman au phénomène de société que représente le Bon Marché, "Ce sera au bonheur des dames", commence par effectuer une enquête de plusieurs mois sur la vie des employés du magasin. Une enquête passionnante, dans laquelle Zola se révèle être un grand documentariste avant l'heure.
Il a été copié au long du 19e siècle, parfois par des anciens du Bon Marché eux-mêmes, comme pour le Printemps. L'équivalent berlinois, le Kaufhaus des Westens, le grand magasin de l'Ouest, ne sera créé qu'au début du 20e siècle. Et le Bon Marché aujourd'hui ? Racheté par le groupe LVMH de Bernard Arnault en 1984, le Bon Marché, démentant sans scrupule son propre nom, puisque, rappelons-le à nos amis allemands, "Bon Marché" signifie "peu onéreux", est devenu le grand magasin du luxe de la Rive-Gauche, celui dans lequel la bourgeoisie parisienne est assurée de trouver le fameux bon goût à la française. [musique]